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Intégrisme bienveillant?

Suite aux dérives que j’observe depuis une dizaine d’année dans un élan louable d’appliquer la parentalité positive, j’ai écrit un passage dans mon livre pour mettre les parents en garde des potentiels glissements. Mon objectif est de rappeler que la parentalité consciente et positive est un élan du coeur, beaucoup de gros bon sens et d’intuition. Il ny a pas de « 10 commandements » à suivre. C’est un changement de paradigme où on sort de la compétition, de la comparaison et on plonge tête première dans notre coeur. C’est une invitation à être tendre avec soi ET à voir quel pas faire pour cheminer vers ce qui goûte bon pour soi et sa famille.

Notre tendance habituelle – comme nous l’avons vu dans ce livre – est de s’imposer des violences (« Il faut que je change ») ou d’en mettre aux autres (« Il faut que tu changes ») : l’intégrisme ou le néo-romantisme sont des réactions communes à la suite de la découverte de la parentalité positive. Rappelons que l’objectif n’est pas de faire un changement de 180 degrés en quelques jours, mais de voir à long terme et de cheminer une étape à la fois.

Comment évoluer dans le respect de son rythme et dans la confiance que nous y arriverons petit pas par petit pas ? Être parent du cœur, c’est réapprendre à s’aimer et à voir notre potentiel. Très dur, lorsque nous sommes si habitué à nous juger et à juger les autres ! Voyons-le comme l’apprentissage d’une nouvelle langue. Au début, nous nous mêlons souvent. Nous prononçons avec difficulté. Nous oublions des mots. Nous faisons plein d’erreurs. Et ça fait partie de notre évolution.

Osons porter un regard à la fois tendre et honnête envers soi.

À nous de nous arrêter, pour identifier ce que nous voulons et nous y commettre un jour à la fois. Il est bon de faire une pause pour sincèrement voir quelles compétences nous avons à développer.

Sur notre route, il se peut que nous expérimentions des écarts de conduite. J’ai identifié les plus communs ici et les habiletés à acquérir pour continuer à évoluer.

L’intégrisme au nom de la bienveillance

Certains passent par une période de rectitude consistant à juger ce qui est bienveillant de ce qui ne l’est pas. Le parent se pose un cadre très rigide par souci de bien faire la parentalité positive et suit une longue liste de « Il faut… ».

  • Il faut être gentil.
  • Il faut donner de la liberté à l’enfant.
  • Il ne faut pas crier.
  • Il ne faut pas s’énerver.
  • Il faut écouter.
  • Il faut identifier les besoins.

Cette approche est vouée à l’échec parce qu’elle ne tient pas compte de notre inclination à se former par le biais de nos erreurs. Souvent, le parent considère certains gestes comme inacceptables (crier, exploser, punir) et se juge impardonnable d’agir ainsi.

Compétences parentales à développer
  • La première compétence à développer ici est la compassion pour soi et l’indulgence. Comment voir son intention derrière ses gestes ? Comment savoir réparer la relation ?
  • La deuxième habileté à développer serait d’apprendre à accueillir nos émotions et à faire le deuil de nos attentes irréalistes. Il est important de voir qu’une partie de nous a le grand désir d’évoluer plus rapidement qu’elle en est capable. Et comme un enfant de deux ans qui tient à s’habiller seul, mais qui n’a pas encore les capacités motrices, nous avons besoin de progresser par petites étapes.

la rectitude

Certains évaluent le facteur « bienveillant » des autres selon des critères qui frôlent l’intégrisme en imposant des règles « bienveillantes » à leurs proches et à leur partenaire.

C’est une réaction qui se base sur une intention louable, mais qui utilise le jugement des autres et « le pouvoir sur » pour imposer du changement. L’habitude de voir les besoins derrière les comportements ne se limite pas à observer ceux des enfants, mais s’applique également à soi et à notre entourage !

Compétences parentales à développer

Les compétences à développer ici sont celles citées plus haut en plus de celles d’accepter la diversité, de respecter le rythme de chacun, de faire confiance aux autres et de dialoguer avec responsabilité.

Le néo-romantisme bienveillant

Bien que nous l’ayons abordé à travers les chapitres, je tiens à répéter que beaucoup de parents, au nom de la bienveillance, cherchent à éviter le conflit et par conséquent n’accueillent pas les émotions difficiles de leurs enfants. Bien que nous soyons à l’aise avec certaines d’entre elles, d’autres nous terrifient.

Dans son livre Quatre valeurs pour réinventer l’éducation, Jesper Juul en parle. Il dit de ces parents « néo-romantiques » : « Ils s’investissent à cent pour cent dans le “projet enfant” et ne veulent qu’une chose : une famille heureuse et harmonieuse. Ils ont lu les bons livres, mais ont laissé de côté les chapitres consacrés aux conflits inévitables et nécessaires. […] Les parents développent très tôt l’attitude basée sur le tout-préventif consistant, en toute chose, à empêcher et à stopper les conflits. Ils tentent d’être un modèle positif en réagissant toujours avec calme et maîtrise. Dans ces conditions, comment les enfants peuvent-ils apprendre d’eux les qualités aussi importantes que la capacité à gérer les conflits, la tolérance, la frustration ou l’empathie ? »

Rappelons que répondre aux désirs et envies de nos enfants pour éviter des crises n’est pas de la bienveillance, mais de l’évitement. Après tout, il est difficile et parfois effrayant d’accueillir un enfant en crise ou en larmes. Nous n’aimons pas voir nos petits vivre de la douleur !

Pourtant, il y a des situations qui génèrent inévitablement de la tristesse ou de la déception : avoir du mal à lacer ses souliers, tomber par terre, avoir un petit frère, être face à un ami qui ne veut pas jouer avec nous, manger du brocoli ou aller au lit alors qu’il serait plus amusant de poursuivre son jeu. Et ces déceptions font partie de la vie. Accueillir cette émotion nous permet de développer de la résilience face à l’adversité.

Et ça fait partie, selon moi, de notre rôle de parents. Notre rôle est celui d’un guide aimant qui, comme un phare, éclaire le chemin où l’enfant peut s’épanouir et devenir un adulte résilient et responsable.

Compétences parentales à développer

Les compétences à acquérir sont d’apprendre à accueillir toute la gamme de ses émotions et à avoir confiance que cet accueil est vraiment libérateur. Une fois que nous avons appris ceci, il devient facile de le faire avec nos enfants.

Lorsque nos babines ne suivent pas nos bottines

Il arrive que nous disions quelque chose et que nous fassions totalement le contraire. Ayons le courage de le reconnaître avec tendresse. Lorsque nous ne le faisons pas, nous créons énormément de violence autour de soi, sans le vouloir.

L’école alternative que mon fils fréquentait avait cette tendance. On y valorisait la coopération dans de beaux discours articulés en début d’année, qui restaient une théorie nullement appliquée. L’enseignante de mon fils m’évitait au lieu de communiquer. Les éducateurs donnaient des conseils aux parents au lieu de co-créer, les parents ne s’impliquaient pas, et tout le monde parlait de « coopérer » à travers des conflits polarisants. Malgré nos bonnes intentions, nos babines ne suivent que trop rarement nos bottines.

Compétences parentales à développer

Nous avons à développer l’introspection en prenant le temps d’explorer avec authenticité comment mettre nos principes en pratique, étape par étape.

Alors…

SOYONS DOUX AVEC SOI

APPRIVOISONS NOS ANGLES MORTS AVEC TENDRESSE

NOUS SOMMES APPRENANTS

UN PAS À LA FOIS.

DANS LA CONFIANCE.

découvrez ce livre

Cet extrait est tiré du dernier chapitre du livre Découvrir la parentalité positive pour être parent du coeur de Mitsiko Miller

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