C’est quoi, la parentalité positive?

Interrogée par la journaliste Isabelle Moreau du journal Ouest-France, je vous partage l’intégralité de l’entrevue parue en novembre 2017. Les sujets? La théorie derrière la parentalité positive, la tendance au burn-out et au perfectionnisme, la précocité et l’importance de créer des lieux de partage.

LA BIENVEILLANCE, UNE MANIÈRE DE VIVRE

Question: Qu’est-ce que la parentalité positive? Une façon de communiquer plus juste avec son enfant?

Ma réponse: La parentalité positive s’inscrit dans une mouvance de démocratisation et de bienveillance (non-violence) qui transforme le tricot humain depuis le siècle des Lumières, en Occident.

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Nous avons commencé par la démocratisation de la connaissance par l’impression, puis la libération du peuple, des esclaves, des classes sociales (pensez à Germinal), de l’éducation, des femmes, des colonies, le mouvement des droits civils, puis doucement nous convergeons vers la prise de conscience que les enfants sont aussi des êtres dignes de respect.

Nous poursuivons cette exploration avec des mouvements comme par exemple, le véganisme/flexitarisme, l’écologie, le « slow », la simplicité volontaire, la défense des animaux, l’humanisation des naissances, la santé globale, les écoles démocratiques, l’apprentissage libre, et en Amérique, avec la prise de conscience de la place des Premières Nations (peuples autochtones), entre autres avec le mouvement contre la construction de la pipeline à Standing Rock.

Ce souffle nouveau de démocratisation qui dure depuis 300 ans, s’infiltre désormais dans toutes les relations aussi bien au travail (entreprises libérées, sociocratie, open source, holacratie), dans la communauté (échanges de dons, flash mob, écovillage, mouvement citoyen, etc), avec soi (méditation, écologie intérieure, auto-compassion), dans son couple, que dans sa famille.

La plupart de nous avons été conditionnés à faire plaisir, à se taire, à faire dans la frustration et le dégout, parce que nous nous faisons répéter que « c’est pour notre bien »

Ce n’est donc pas une manière de communiquer, mais plutôt un mode de vie qui cherche à créer le terreau fertile au respect mutuel par un changement de paradigme de pensées: passer du « faire par obligation » (et souvent à contre coeur, par peur d’être exclu socialement lorsque nous sommes adultes ou enfants…. à « être dans la joie de contribuer » au bien-être de tous.

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Bref, très loin de l’éducation que nous avons reçue qui repose souvent sur la contrainte et la punition (l’amour conditionnel et la peur de l’exclusion, si mortellement douloureuse pour une espèce aussi grégaire que l’être humain) si nous n’obéissons pas ou ne faisons pas comme les autres.

La plupart de nous avons été conditionnés à faire plaisir, à se taire, à faire dans la frustration et le dégout, parce que nous nous faisons répéter que « c’est pour notre bien » ou « C’est comme ça » sans comprendre, sans saisir le sens profond. Résultat? Comportements passifs-agressifs, opposition, non-coopération, résistance, rébellion, apathie, dépression.

Des exemples? Regardez le nombre de décrocheurs à l’école, les jeunes en dépression, ou des adultes qui font des burn-out ou des brown-out, à faire un travail qui ne fait pas de sens pour eux. Est-ce pourquoi le nombre de personnes ayant une dépendance à la drogue, à l’alcool, au sexe, à la consommation, à facebook, augmente?

Obligation: « Tu DOIS dire bonjour à la dame, sinon…. »

Joie de contribuer: « Ne serait-il pas merveilleux si nous prenions le temps de reconnaître l’humain devant nous et lui faire savoir qu’il est important? »

Obligation: « Tu DOIS donner des cadeaux à Noël à mamie, sinon….. »

Joie de contribuer: « Qu’est-ce que tu donnerais avec joie, à mamie? »

CHANGER DE REGARD, PAS JUSTE DE LANGAGE

Lorsque nous voyons la parentalité positive comme un nouveau langage, il n’est pas rare que les parents ne se rendent pas compte du changement de posture nécessaire passant de hiérarchique/autocratique (« C’est moi qui décide tout et ça ne se discute pas! »)  à transversale (« Comment puis-je tenir compte des besoins de mes enfants, des miens ET de ceux autour de moi, dans le respect et l’équilibre? »).

Ce n’est pas juste le langage qui est à changer, mais notre regard.

Ce n’est pas juste le langage qui est à changer, mais notre regard. Mon expérience est que tout enfant (même les plus « difficiles ») qui se sent respecté et aimé sans condition, vivant une relation de confiance, a le profond et sincère désir de contribuer au bien-être des autres et peut le faire lorsque guidé avec amour à développer des ressources constructives.

Je vois beaucoup de gens « faire » de la parentalité positive en utilisant un langage qui se veut positif, ou « gentil » mais dont l’intention demeure quand même celle de se faire obéir. Au lieu de punir et insulter, on manipule, amadoue, cherche à convaincre: ceci demeure un rapport de force même s’il est plus doux. Et les enfants le sentent tout de suite et résistent. C’est souvent pour cette raison que certains disent que la parentalité positive «ne marche pas» même s’ils ont la sensation d’avoir «tout essayé».

APPRENDRE À ÉCOUTER NOS BESOINS

Question: Comment la mettre en œuvre alors que nous prenons rarement le temps de nous relier à nous-même?

Ma réponse: La parentalité positive n’est pas une chose de PLUS à faire! C’est plutôt, trouver ses solutions pour faire MOINS et PLUS efficacement. Pour cela, ça demande effectivement le temps de s’initier et intégrer à petits pas de nouvelles approches et d’outils avec soi et les autres, qui finissent par prendre moins de temps!  C’est comme apprendre une nouvelle langue.

LÂCHER PRISE DU PERFECTIONNISME

Question: La rencontre de ce week-end revendique le droit à l’imperfection parentale. Finalement, en tant que parents, nous n’avons pas de recettes. Nous ne faisons que tâtonner, chercher, expérimenter… Comment faire pour ne pas tomber dans une trop grande exigence vis à de soi-même quand on élève un enfant ? N’est-ce pas une responsabilité très lourde?

Ma réponse: Lorsque nous changeons de paradigme, nous cessons de juger notre valeur selon nos actes ou en fonction du regard des autres. Nous changeons de… paradigme. Dans ce dernier, nous ne pensons plus en terme de « bien/mal », « gentil/méchant. », « bienveillant/violent » mais cherchons davantage à comprendre ce qui nous motive et comment nous pouvons agir avec respect pour soi ET les autres. Dans cet espace, le perfection n’a plus de sens, la course à « faire, faire, faire, faire, plus, plus, plus, plus » n’a pas raison d’être.

LA PRÉCOCITÉ

Question: Il semble qu’il y en ait de plus en plus d’enfants dits précoces. En France, l’Education nationale ne propose rien à ces enfants « pas dans les clous ». Que conseillez-vous aux parents qui ne savent pas quoi faire ? Les écoles alternatives sont-elles la solution?

Ma réponse: Je recommande de partager avec les nombreux parents qui vivent exactement la même chose! Partager, normaliser et échanger leurs expériences ensemble dans les nombreux groupes qui émergent partout sur le globe. Je fais partie d’un groupe, Haut-Potentiel Québec. Nous partageons notre savoir et avons l’occasion d’assister à des conférences par des experts comme Olivier Revol.

Il y a quelque jours, j’ai fait un atelier dans un organisme de Belgique, aux Femmes prévoyantes socialistes, qui offre des cercles de paroles et des ateliers pour parents d’enfants à haut-potentiel.

Bien plus que de se tourner vers l’école alternative, il est fondamental de mieux comprendre le fonctionnement de notre enfant pour savoir ce qui lui convient davantage.

Alors que nos enfants grandissent, nous grandissons, nous parents, dans la conscience de qui nous sommes

DUR, DUR, D’ÊTRE PARENT!

Question: Être parent, n’est-ce pas à la fois le plus beau et le plus difficile métier au monde?

Ma réponse: Oui! Je vous transmets un message qui se trouve sur mon site« Je crois qu’être parent est un parcours aussi enrichissant qu’éprouvant, pour ceux qui l’empruntent. Alors que nos enfants grandissent, nous grandissons, nous parents, dans la conscience de qui nous sommes, de ce qui nous importe en tant qu’individu, parent et citoyen du monde. Nous marchons, à petit pas, vers un amour inconditionnel, le lâcher prise et la transformation de nos idées reçues, de notre colère, de notre culpabilité pour cultiver une relation riche avec soi, avec notre partenaire, avec nos enfants, avec notre communauté et avec le monde. »

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© Mitsiko Miller, 2016. Toute œuvre originale jouit de la protection d’un droit d’auteur. Veuillez me demander la permission avant de reproduire une partie ou la totalité de cet article.

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