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Rester zen face à l’intensité

J’aimerais dire que je reconnais à quel point il est difficile d’avoir des enfants qui s’expriment de manière « intense », que ce soit dû à leur tempérament ou parce qu’ils traversent une nouvelle phase d’individuation (apprentissage développemental).

Dans la société dans laquelle nous vivons, nous n’avons pas l’habitude, ni le réflexe de demander (ou d’obtenir…) le soutien dont nous avons réellement besoin pour se ressourcer et rester un parent patient, efficace et calme.

Comme disait Margaret Mead, personne ne nous a demandé de vivre comme une famille « nucléaire », coupée du monde, isolée et sans soutien de la communauté – comme nous le faisons – avec l’illusion que nous pouvons tout faire seul… « Nous nous sommes mis dans une situation impossible, » affirme-t-elle… Oui. Nous avons du mal à demander et, souvent, le soutien que nous recevons lorsque nous osons (enfin) demander, ne convient pas du tout, non plus…

Et dans nos moments de désarroi et d’épuisement, nous tentons de donner du sens à ce que nous vivons: nous en venons à croire que quelqu’un est « difficile ».

Plusieurs remarquent qu’il est plus difficile de gérer les interactions avec certains plus que d’autres. D’autres affirment que le bébé ou enfant «difficile» ou «aux besoins intenses» est un concept bidon.

Mon opinion? Oui et non.

OUI
Ce n’est pas l’enfant qui est forcément « difficile », mais NOUS qui trouvons difficile de gérer la relation avec cet enfant. (Et avouons-le, la plupart de nous manquons cruellement de soutien et/ou de ressources pour demander du soutien autour de nous).

NON
Il y a des enfants et des adultes, avec qui nourrir une relation, exige beaucoup d’effort, d’humilité, de lâcher prise et de croissance personnelle en vue de bâtir un pont harmonieux, l’un vers l’autre.

Toute personne est unique. Chaque tempérament est unique et magnifique. Il est trop facile de qualifier la personne d’«oppositionnelle», de «difficile», de «capricieuse» ou d’«hypersensible» pour clore le dialogue et la question. En même temps, il est parfois très aidant du donner sens à ce que nous vivons à travers une « étiquette »  qui nous aide à voir l’humanité dans l’autre, et même de comprendre comment rentrer en lien avec elle– surtout si nous rencontrons des enfants (petits et grands) avec qui la communication exige beaucoup d’effort.

J’aime le terme « hypersensible ». Il m’aide à rester curieuse, ouverte et me rappelle que derrière tout comportement, aussi tragique soit-il, il y a une raison: un besoin inassouvi tente de s’exprimer maladroitement. Essayons-donc de comprendre.

Une théorie dit qu’il y a des personnes plus sensibles sensoriellement et émotionnellement que d’autres, dont le système nerveux fonctionne différemment. Ce n’est pas un problème, tout simplement un mode de fonctionnement distinct: on affirme que ces personnes se servent davantage de leur cerveau droit et opèrent donc davantage sur le mode intuitif. Cette théorie me parle.

Selon Elaine N. Aron, auteure spécialisée en hypersensibilité, 15% de la population serait de cette espèce. Voici quelques traits communs tel que décrit sur Wikipédia (et selon les critères de Saverio Tomasella)

  • Forte réactivité à des stimuli qui ne font pas réagir autant d’autres personnes
  • Grande faculté d’empathie
  • Débordement émotionnel face à des situations génératrices d’émotion
  • Amplification des ressentis
  • Mémorisation des expériences vécues avec beaucoup d’acuité
  • Capacité à rire, pleurer, être anxieux avec une fréquence ou une intensité plus élevée que la moyenne
  • Impulsivité et irritabilité
  • Tendance à être perturbé par toute difficulté ou dysfonctionnement imprévus
  • Forte créativité et imagination
  • Intuition fortement développée
  • Vie intérieure riche et complexe
  • Conscience des nuances subtiles de l’environnement
  • Dévouement et grand sens du service pour les autres
  • Influencé par l’humeur d’autrui
  • Besoin de s’isoler pour se reposer, se libérer de toutes stimulations et se retrouver

J’aime dire que je fais partie de cette tribu, ainsi que tous les membres de ma famille. Chacun à notre façon, bien sûr. Mais mon expérience m’amène à constater des points communs entre nous:

Les défis: vivre en société

  • Inconfort profond aux sensations (5 sens) intenses et aux émotions vives (souvent imperceptibles aux autres)
  • Perméabilité au ressenti des autres, même si ces derniers tentent de cacher leur vulnérabilité et leurs sentiments :)
  • Humeurs changeantes et intenses
  • Besoin prononcé de solitude, allergie au contact humain inconnu et aux situations trop stimulantes
  • « Entêtement » féroce face aux ordres et aux règles qui n’ont pas un sens intrinsèque pour soi

Les célébrations et contributions uniques à ce monde

  • Une volonté de fer et une intention claire à tout ce que nous choisissons d’entreprendre
  • Créativité et curiosité bouillonnante
  • Leadership original et unique
  • Empathie et grand désir de contribuer au bien-être des autres
  • Monde intérieur extrêmement riche et profond
  • Émerveillement devant la beauté dans l’art, la nature et le cœur des êtres vivants

Vous pouvez imaginer que les journées avec moi, étaient hautes en couleur pour mes parents. Je préférais passer mon temps seule pendue à un arbre ou en compagnie d’animaux pour avoir cette tranquillité, cette prévisibilité et ce repos si essentiels à ma survie mentale. Et surtout, pour vivre plus de douceur dans mon quotidien (et… pour faciliter mon autorégulation).

Ce n’est pas le cas de mes enfants qui vivent en ville, dans un monde très différent de celui de mon enfance:

  • Pollutions sensorielle et environnementale
  • Rythme effréné de la vie actuelle
  • Pluralité des modes de vie
  • Stress, sollicitation, écran, publicité

Face à ce monde qui les agresse, la réaction de mes enfants était, durant la petite enfance, de faire des crises et de chercher des repères souvent de manière très tragique (répétition de gestes et de bruit, mettre de l’ordre, nommer, qualifier et quantifier le monde, créer des rituels et des séquences rigides – bref, de contrôler ce qui était en leur pouvoir de contrôler) pour trouver de la prévisibilité et du repos dans leur environnement.

Et…. de se coller à moi (comme du velcro!) un instant, pour me repousser l’instant suivant (la danse de l’autonomie/individuation, quoi!) dans des périodes de changements, de transitions et d’individuation.

Il n’est pas facile de vivre avec des enfants qui s’expriment de manière intense. C’est tout un défi! Et ce n’est pas facile d’être un parent, tout court. Car, selon moi, tous les enfants ont, à différents degrés (et cette expérience est exponentielle avec les « hypersensibles ») en commun ceci:

  • Ils sont nos sensei qui nous font grandir, cœur et âme
  • Ils reflètent comme un miroir grossissant les sentiments que nous vivons, et surtout ceux que nous tentons de dissimuler à nous-même et aux autres :)
  • Ils demandent clarté et cohérence entre ce que nous ressentons, disons et ce que nous faisons
  • Ils demandent à être accompagnés sur des chemins très difficiles que nous avons du mal à faire pour nous-même: accueillir des émotions fortes, faire face à nos peurs et angoisses, gérer la colère et faire confiance à la vie

Comme vous voyez, les défis de nos enfants sont aussi des cadeaux pour nous et pour eux-mêmes, qui invitent à la profondeur authentique, au lâcher prise et à ÊTRE.

Lorsqu’ils étaient petits, je n’étais pas toujours en mesure de voir le cadeau qu’ils m’offraient. C’est avec le temps, et en étant témoin de leur épanouissement que j’entrevois bien plus fréquemment la richesse du trésor qu’ils portent en eux.

Entre temps, voici des suggestions pour rester ZEN ;)

Remplir son réservoir émotionnel et celui de notre enfant au quotidien:

  • Rester à l’écoute de soi… pour être à l’écoute de notre enfant!
  • Nourrir son âme au quotidien pour développer le courage et la résilience
  • Apprendre à demander de l’aide aux personnes qui nous aident vraiment (j’insiste sur le mot: vraiment)

Entretenir une relation de confiance avec son enfant:

  • Véhiculer l’amour en tout temps: « Je t’aime toujours, même lorsque je me sens en colère »
  • Reconnaitre son vécu dans le quotidien et prendre responsabilité de ses sentiments: « Je me sens fâché et ceci m’appartient à moi! »
  • Respecter les besoins de tous pour cultiver la coopération

Être capable d’autorité saine:

  • Être un phare qui reconnait le ressenti de tous ET redonne espoir: « OUI, c’est dur ET nous allons trouver une solution!»
  • Être proactif, prévenir et instaurer des rituels et des repères qui tiennent compte des besoins, du tempérament unique et du niveau de maturité de notre enfant… et de soi (oui, oui!).

Être un coach émotionnel:

  • Être détective en besoins pour soi et ses enfants
  • Reconnaître et accueillir nos sentiments INTENSES et ceux de nos enfants, avec présence
  • S’exprimer avec bienveillance pour favoriser le développement émotionnel ET l’éveil à notre pouvoir (et à celui de nos enfants) de converger, à coup d’essais et d’erreurs, vers notre propre bonheur (empowerment)
  • Célébrer nos petits petits pas (et ceux de nos enfants!) vers la bienveillance avec beaucoup de douceur et beaucoup beaucoup beaucoup de compassion pour soi (dois-je me répéter ou avez-vous pigé? ;).

© Mitsiko Miller, 2013. Toute œuvre originale jouit de la protection d’un droit d’auteur.

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